mercredi 28 mars 2012

La mise sur papier du projet, les premiers pas.

Pour rappel :

La première étape qui consistait à obtenir le CAP étant révolue, je peux me consacrer à de longues heures de méditation en vue de mettre en place mon projet de Boulangerie Biologique. Il s’agit aussi pour moi d’organiser les pièces de mon puzzle, ces différents morceaux à prendre en considération pour la viabilité de celui-ci.

Le premier point est représenté par mon statut de femme et de mère. Je veux pouvoir donner de mon temps à mes deux enfants encore âgés de 3 et 6 ans. C’est un morceau majeur de mon histoire autour duquel je vais devoir ajuster les autres pièces afin de former un tableau où s’accordera aussi ma vie de chef d’entreprise.

A cela s’ajoute mon passé agricole. En 2009 je monte un premier projet d’installation dans l’agriculture. La direction départementale de l’agriculture valide mon statut de jeune agricultrice lors de ma reprise de l’exploitation familiale. Un an après je quitte l’exploitation et il m’est accordé un statut vacant avec un délai de 24 mois pour effectuer une nouvelle installation. Après quoi, il me faudra rembourser ma dotation jeune agricultrice qui est une aide à l’installation des jeunes agriculteurs sous la condition d’exercer la profession pour 5 ans.

L’acquisition de terre (quasi impossible aujourd’hui car les terres sont surenchéries), la mise en place du projet et  l’attente des accords bancaires est une démarche extrêmement longue.  N’ayant pour l’instant pas de terre à disposition, je décide de monter l’atelier de boulangerie hors du cadre agricole. Ainsi je pourrai commencer à donner vie à cette activité principale source de mes revenus, établir son réseau de clientèle (particuliers, collectivité, marchés) en attendant de pouvoir l’intégrer dans une structure agricole où seront produites les matières premières (céréales).


Le parcours à l’installation :
La boulangerie appartenant au registre des métiers et de l’artisanat, c’est la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de ma région, Angoulême (CMA) qui accompagne les porteurs de projet.






En son sein je participe au stage préparatoire à l’installation une première démarche obligatoire :

-Le « SPI » est une rencontre fabuleuse et dynamisante entre les créateurs passionnés par leur projet et les diverses parties administratives (RSI, Centre des formalités des entreprises, comptables…). Nous en ressortons avertis sur nos obligations et envahis par la complexité du parcours qui nous attend. Les débats sont animés, notre volonté d’entreprendre se trouve fortement refreinée par la lourdeur des démarches administratives. Prix 228 euros, durée 5 jours.

-Le plan d’affaire  (facultatif) est un document rassemblant toutes les données du projet,  il est intéressant pour permettre à chacun de mettre toutes les cartes sur table et d’établir sur papier la teneur du projet.

-Le prévisionnel est indispensable pour solliciter des partenaires. Il représente en théorie la viabilité du projet.  Il n’est malheureusement qu’un document « repère » et tel un phare j’ai le pressentiment que je naviguerai autour sans jamais l’atteindre. Mon système de production étant radicalement différent des pratiques de la boulangerie traditionnelle, je ne peux par conséquent trop me fier aux données statistiques existantes. Il m’aura fallut quelques heures pour établir un prévisionnel  au plus proche de sa réalité adaptée à la boulangerie biologique.

Pour cela je rassemble mes données collectées lors de ma formation, mes stages et rencontres avec des boulangers de ma spécialité afin d’évaluer un Chiffre d’affaire que je puisse réaliser. Je place aussi sur le papier toutes mes charges (en majorité sur devis). Face aux investissements il me faut faire des choix.

En effet mes ressources (ou apports) étant limités, ma priorité est dans l’équipement de qualité et principalement en ce qui concerne le four. Il est pour moi l’outil garant d’une cuisson de qualité et la condition sine qua non d’une belle fournée et d’une productivité optimisée. Après avoir établit divers devis entre neuf et occasion, j’opte pour la formule la plus chère mais la plus sûre.

Et encore, pour le même prix je dois faire un choix entre un four à bois ou électrique. Avec difficulté je préfère l’outil qui me facilitera le travail et me libèrera du temps. Ce n’est pas un choix de facilité mais réaliste quand à mes autres devoirs. Malheureusement le four électrique entache le volet développement durable cher à mon projet. Je prévois une faible compensation par l’association de panneaux solaires à mon chauffe-eau.



Le reste du matériel sera d’occasion, acheté de grès à grès à un mandataire.

Mon prévisionnel prend tournure.

Courant Décembre 2011, je sollicite plusieurs subventions et aide à la création d’entreprise. Pour chacune une commission me reçoit et devant laquelle je me présente ainsi que le projet dans tous ses détails : prévisionnel, volet social, écologique…

A l’issue de chaque rencontre je reçois un panel de critiques et risques en termes d’hygiène, installation électrique  et encore en commerce. J’ajouterai à ce propos que les mesures d’hygiènes m’ont posé beaucoup de question tout au long de la mise en place du projet. Ni la DGCCRF  ni la chambre des métiers n’est en mesure de dépêcher une personne pour me conseiller sur les travaux à effectuer à la vue des murs existants ou moyennant un chèque de quelques centaines d’euros. Alors j’entame la réfection de la futur boulangerie avec le seul conseil avisé que l’on m’ait donné « il n’est pas question de moyen mais de résultat !).

Sur justificatifs (kbis, factures…) il m’est accordé :

-une BRDE (bourse désir d’entreprendre)
-deux prêts d’honneur: 
-un NACRE accordée au bénéficiaire du chômage ou RSA

Il s’est écoulé 4 mois depuis le Stage (SPI) et je peux partir à la recherche d’un partenaire « banquier ». On croit toujours que la partie est gagnée après notre premier entretien, mon enthousiasme débordant ne peut qu’engendrer un accord de soutient…Oups   là est l’erreur car il y a toujours prétexte à vous refuser. Du Crédit Agricole de Barbezieux et de la SIAGI d’Angoulême j’entends par-ici par-là que le projet présente des risques d’hygiène, ou alors que le bâtiment est trop vétuste. Bref mille explications avant de comprendre que les boulangeries « ça ne se finance plus ».

Je viens de perdre un mois sur mon planning lorsque nous poussons (épaulée par mon compagnon fort en négociation) la porte du Crédit Mutuel pour y trouver un tout autre accueil: dynamique et franc, intéressé et pertinent. Si je peux dire aussi réactif puisque le financement  nous sera accordé dans les 15 jours, pour l’achat du bâtiment (35 000 euros) et  le prêt pro (30000 euros+crédit TVA).

Sur papier voici le projet :
BESOINS
Prévu

RESSOURCES (indiqué date d'obtention ou prévue)
date
Prévu






Immobilisations incorporelles (inéligible)
1600

Capitaux propres

27500
   Achat fonds de commerce
0

 Apport personnel (en numéraire…)
 Acquis
15000
  Frais étbs (SPI, immat., frais de notaire, …)
420

 Apport personnel (en stock…)
 Acquis
12500
  Communicat. (site Internet, pub lancement...)
1180

 Constitution du capital


   Autres   (préciser…)


 Capacité d'auto financement








Immobilisations corporelles
55000

Capitaux empruntés et dispositifs de prêt

50000

Prêts bancaires


  Aménagements (travaux, installations,…)
16000

 Prêt bancaire (moyen, long terme)
30000
  Achat matériel  (machines, outils, …)
39000

Prêt court terme (crédit relais,  ...)
12000



Prêts "dispositif d'appui au projet"





Prêt solidaire ADIE



apport en matériel
12500



Prêt 0% NACRE


4000

 Matériel apporté par le porteur de projet

12500

Prêt 0% (PFIL départementale ou locale)
4000


Prêt 0% familial (déclaration de contrat de prêt)








Stock de départ
1500

 Aides et subventions

9800

1500

Subvention Europe Leader Sud 16
5000
BFR au démarrage
16700

Subvention Etat (fisac, agephip,…)


Avance TVA
12000

Subvention Région: BRDE
              
4800
Besoin de trésorerie au démarrage
4700

Autre (concours, fondation, 2è chance…)


Avance de trésorerie
 (<> sub, versement de sub)







Sous total










CORDEE TPE Base éligible plafonnée: 35 000€

7850











TOTAL DES BESOINS
   87300

TOTAL DES RESSOURCES

87300


Les prochains articles traiteront de: travaux, matériel, nettoyage, plomberie, éléctricité, carrelage, toiture, fenêtre...et oui y a du pain sur la planche!!!


 


 



jeudi 8 mars 2012

Préparatifs du projet: la formation professionnelle.

J’entame ce blog avec l’objectif d’y développer toutes les étapes franchies qui m’amèneront (je l’espère) à lancer le projet du fournil bio Painpoline. Ainsi y décrire le parcours entamé il y a 18 mois, de l’émergence de l’idée de me reconvertir en boulangère à la première fournée illustrée de photos donc en passant par ma formation professionnelle, le chiffrage du projet, la recherche d’un bâtiment, quelques auditions devant un jury averti pour l’acquisition de subventions, le stress et les incertitudes aussi…

Et le jour arrive où le stylo à la main tout le monde s’accorde pour la dernière ligne droite avant d’allumer les fours (ce jour n’est pas encore arrivé !).


Ma reconversion professionnelle dans la boulangerie n’a rien d’original, devenir boulangère alors que l’on est agricultrice n’est juste qu’une diversification de l’activité : la transformation de la récolte de céréales en farine puis en pain. En ceci je n’ai rien inventé, seulement j’avais la possibilité par le temps libre en cette année 2011 qui m’était imparti de placer une corde supplémentaire à mon arc… (cad d’ajouter une ligne sur mon CV !)





Sans être née passionnée par ce métier et n’avoir vu sortir du four un seul pain de ma fabrication, je comptais trouver une formation professionnelle pour me donner le goût de la boulange et l’envie d’aller plus loin.

Il me suffit alors d’utiliser l’outil « cheville ouvrière », mon compagnon de tous les jours qui depuis notre rencontre m’est devenu indispensable et au pouvoir extraordinaire de me sortir à tout instant « du pétrin » !
Ainsi en quelques clics je trouvais la formation adéquate :

« Devenez boulanger
Vous êtes un adulte en reconversion, vous souhaitez développer votre propre affaire, formez vous au métier de boulanger.
Profitez d'un accompagnement individualisé et de notre expertise dans le monde de la boulangerie traditionnelle, de la panification au levain naturel et de la filière biologique. »


L’entreprise « Painbio » me proposait exactement l’outil nécessaire pour créer mon activité, me former jusqu’à l’obtention du CAP (certificat d’aptitude professionnelle) et m’accompagner dans mon projet.
Il me restait de trouver un financement qui me fut accordé par le VIVEA, fond de financement des formations dans le secteur agricole.

Aix-en-Provence fut durant ces quelques semaines le pays d’une grande découverte mais aussi un bon  rappel de mes connaissances enfouies des cours universitaires de biologie. La connaissance de l’eau, la farine, le sel, les levures et bactéries soit les éléments de la panification est une ressource pour la compréhension et l’analyse du comportement de nos pâtes.

Entre les cours de biologie, la pratique alimente nos questionnements toujours à la recherche du parfait alvéolage, de la juste souplesse de la mie, de la couleur au du chant de la croûte. Entre l’hydratation, la modification du diagramme, les températures de travail, le grignage et encore le choix de la méthode de travail, Thomas nous apprend à déceler la source fautive à analyser en long  en large en travers chaque produit, démontrant que la persévérance payera pour la maîtrise d’une fabrication.




Durant la formation j’apprécierai l’ouverture donnée sur les techniques de production. La possibilité à chacun de rencontrer les limites des d’outils de travail face à notre mode de panification biologique. Le four à bois est un exemple : entre éthique, productivité et investissement nous avons pu voir et pratiquer pour que chacun d’entre nous puisse repartir avec les connaissances nécessaires en vu de faire les bons choix.




Juin 2011, je suis convoquée au centre d’examen d’Angoulême pour l’examen du CAP, l’obtention du diplôme étant obligatoire pour mon installation en tant qu’artisan auprès de la chambre de métiers.
Après l’épreuve de  théorie, je suis accueillie dans une ambiance très particulière pour l’épreuve de pratique de 7 heures : « réalisation d’un commande de pains et viennoiseries ».




Pour commencer j’avoue que la méconnaissance des locaux ne sera pas à mon avantage,  il  me restera à disposition pour travailler les rebus de mes collègues : pétrins sans frein sans minuteur…
Puis je me vois à plusieurs reprises entourée des yeux interloqués de mes examinateurs, sujette à des chuchotements peu rassurants ou interrompue par le passage d’un aspirateur entre mes pieds afin de me révéler l’épaisseur insupportable du dépôt en farine. A vrai dire, mes collègues d’examen semblent travailler sous une hotte aspirante tellement la propreté de leur plan de travail est étonnante.

A mon insu, la réalisation des croissants sera salvatrice. Je sentais bien que chacune de mes manip animait un débat chez mes inspecteurs haut gradés de la boulangerie. Mes voisins, source d’une insupportable inquiétude, été formés pour la même épreuve au laminoir (un appareil qui aplatit les pâtes) et moi à la méthode traditionnelle  au rouleau à pâtisserie : le croissant « à la main ».  Je compris  que j’inquiétai fortement les examinateurs. Coûte que coûte j’appliquai mon « diagramme croissant » à la lettre sans oublier les quarts de tour (merci Denis). Non mécontente du résultat (quoi que un peu cuits) le feuilletage était appréciable et fut à ma surprise l’objet de félicitations et très bien notés. Me voilà reine du croissant !

Début Juillet, après une licence de biologie- physiologie puis un BTS d’horticulture, je recevais l’approbation de l’académie de Poitiers pour le CAP boulanger.
Une première étape de franchie qui aura durée malgré tout 9 mois.